« Mémoire en images » de Sainte-Eulalie en Entre-deux-Mers

          Dans le cadre de la collection « Mémoires en images » un ouvrage vient d’être édité sur Sainte-Eulalie. Ce document exceptionnel à l'initiative des membres de l'association Sainte-Eulalie Patrimoine, est une trace écrite et visuelle de l'histoire de la commune. ‎« Depuis 8 ans, nous collectionnons des informations, des photos et des documents avec les autres membres de l'association Sainte-Eulalie Patrimoine, sur l'histoire de la commune, la manière de vivre ici il y a 100 ans. On a senti que c'était le moment de mettre tout ce patrimoine commun en forme ... ». C'est ainsi que Francis Heinrich présente l'ouvrage que ses amis et lui viennent de faire paraître aux éditions Sutton, dont la collection "Mémoires ‎en images" a déjà revisité l'histoire de nombreuses communes de la région bordelaise. 1ère de couverture

‎           Cent vingt huit pages et plus de 200 photos, voilà un ouvrage qui a le mérite de faire découvrir ou redécouvrir Sainte-Eulalie et son histoire locale aux habitants de la commune, anciens ou nouveaux. ‎Au titre évocateur de "Mémoires en images: Sainte-Eulalie en Entre-deux-­Mers", le livre couvre une période allant de la fin du XIXème siècle au début des années soixante-dix en cinq chapitres :

- présentation du village et des hameaux,
‎- maisons bourgeoises et châteaux,
‎- les activités rurales, notamment la vigne,
‎- les écoles et la vie dans les écoles,
‎- les fêtes et activités associatives et religieuses. ‎

           Les illustrations montrent les bâtiments et les habitants en mettant en scène certains moments de la vie quotidienne des Eulaliens du début du siècle. Les textes sont coécrits par Francis Heinrich et Muriel Dagens, respectivement trésorier et présidente de l'association Sainte-Eulalie Patrimoine.

« C'est un ouvrage qui est là pour témoigner de ce qu'a été notre commune durant ces cent dernières années. C'est une manière de démontrer également tout l'intérêt que portent les Eulaliens à leur patrimoine. Pour preuve, 200 personnes étaient présentes le jour de la présentation du livre. Désormais, même si le village change et évolue, nous avons une trace écrite et visuelle de l'histoire de Sainte-Eulalie» explique Francis Heinrich. « On a senti que les gens étaient touchés par ce travail ».

Le télégraphe de Chappe

Perchée sur une colline près du château Chelivette, propriété de M. Boulière, cette petite tour carrée témoigne de l’évolution des moyens de circulation de l’information dans notre pays. En effet, jusqu’au XVIIIème siècle, ce sont des messagers à cheval qui transmettent les informations importantes, notamment militaires, de ville en ville. L’invention par les ingénieurs français, Claude et Ignace Chappe d’un système télégraphique par signaux visuels révolutionne la diffusion des informations puisque dans les meilleures conditions climatiques, un signal télégraphique parti de Lille ne met que neuf minutes pour atteindre Paris. Après une première expérience publique menée en 1791, l’invention des frères Chappe est adoptée par la Convention nationale le 26 juillet 1793 et la première ligne officielle reliant Lille à Paris est mise en service en juillet 1794. Dans les années qui suivent, ce système ne cesse de se développer pour atteindre 5000 kilomètres de réseau relayé par 533 stations réparties sur les différentes lignes sillonnant le territoire français.

            Le système télégraphique militaire de Chappe fonctionnait par envoi de signaux visuels depuis des tours implantées de loin en loin, visibles l’une de l’autre grâce à une lunette à longue portée. Chaque tour était munie de trois longs bras articulés en bois (1 bras central nommé régulateur  d’une longueur de 4,65 m, portant sur chacun de ses bouts un autre bras de 1,94 m nommé indicateur), reliés par un système d’axes et de poulies pour les positionner de façon adéquate en fonction du signal à émettre. Ceci permettait de proposer 92 positions différentes correspondant à un code secret, seul connu d’un petit nombre de responsables qui déchiffraient le message à son arrivée à destination. On estime qu’il fallait environ 32 minutes pour faire circuler un message comportant 36 signaux.

            La tour du télégraphe de Sainte-Eulalie, installée sur la ligne Paris-Béhobie, relayait les signaux envoyés par les tours de Lormont au sud et de Cadillac en Fronsadais au nord. Elle a ainsi transmis en 1794 la « dépêche de Condé » annonçant la reddition de l’armée levée par Louis Joseph de Bourbon, prince de Condé, pour lutter contre l’armée de la République.

            En 1852, ce système télégraphique est peu à peu abandonné car il ne pouvait être utilisé la nuit, par mauvais temps, et que de nouveaux moyens télégraphiques plus performants, utilisant l’électricité, ont été mis au point. Les tours télégraphiques de Chappe ne sont plus entretenues et nombre d’entre elles perdent leurs bras articulés, désormais inutiles. C’est le cas de la tour télégraphique de Sainte-Eulalie mais on peut visiter à Gradignan une tour de Chappe restaurée qui présente le fonctionnement de ce moyen de circulation de l’information.

Auteur : M.Dagens

Les élections législatives de 1936

Au printemps 1936, Sainte-Eulalie est une petite bourgade rurale peuplée de quelques 920 personnes dont l’activité principale est encore le travail de la terre. La vie municipale est orchestrée par le maire Alfred Pousson entouré d’un conseil municipal de 11 membres élus en 1935. Les réunions du conseil municipal ont pour objet principal l’entretien des routes, l’assistance aux indigents, malades et vieillards et l’électrification des écarts.

Mais les passions politiques n’épargnent pas cette communauté villageoise qui s’apprête, les 27 avril et 3 mai 1936, à voter pour des élections législatives au caractère exceptionnel. En effet, les partis de gauche (PC-SFIC, PS-SFIO et Radicaux socialistes) se sont associés dans un Front populaire sous le slogan « Pain, Paix et Liberté » et pourraient obtenir la majorité à la Chambre des députés.

député CabannesDans la VIIème circonscription de Bordeaux, celle de Sainte-Eulalie, la gauche est représentée par Gaston Cabannes, député SFIO sortant, maire de Floirac et conseiller général du canton de Carbon-Blanc. Face à lui, le candidat de la droite le plus en vue est Henri Labroue, avocat, ancien député de la circonscription, conseiller municipal de Latresne. D’autres sensibilités sont représentées avec Raoul Bourdieu, maire radical indépendant de Bassens ou Rémy Paillé, mécanicien et communiste mais elles n’occupent pas le devant de la scène politique locale. Au soir du premier tour, la situation paraît bien tranchée. Gaston Cabannes est en tête avec 1185 voix d’avance sur Labroue. Si la discipline républicaine  est convenablement appliquée, Cabannes peut espérer une large victoire mais celle-ci dépend du report des votes des électeurs radicaux. Finalement, le candidat socialiste l’emporte avec seulement 22 voix d’avance. Ce fils de tailleur, tailleur lui-même, né à Agen en 1882 va laisser son empreinte dans notre circonscription pour des années. S’il est resté fidèle à son parti lors de la scission des néo socialistes en 1934, il fut aussi fidèle à son idéal démocratique et républicain, étant l’un des « Quatre-vingts » parlementaires qui refusèrent d’accorder les pleins pouvoirs constitutionnels à Pétain le 10 juillet 1940 alors que son adversaire de 1936 s’engageait dans la collaboration et l’antisémitisme. 

A Sainte-Eulalie, les résultats montrent un ancrage à droite plus marqué que dans la VIIème circonscription ou dans le canton de Carbon-Blanc. Henri Labroue arrive en tête au second tour avec 22 voix d’avance sur Gaston Cabannes. Cependant, la victoire du Front populaire a influencé ce milieu rural traditionnel. Un an plus tard, le groupe socialiste Jean Jaurès de Sainte-Eulalie, animé par Edouard Dutruch, organise son premier bal d’été réunissant 150 couples « malgré les anti-républicains et autres Badinguet locaux ».

Auteur : F.Heinrich

Sainte-Eulalie, copropriétaire des Marais de Montferrand.

              Vaste zone humide composée de terres marécageuses délimitées par des digues et jalles, les Marais de Montferrand sont situés dans la partie basse de la pointe de l’Entre-deux-mers et sont composés de  terrains privés et de palus communaux. Au Moyen-Age, ces terres appartenaient à la baronnie de Montferrand qui s’étendait entre les rivières Garonne et Dordogne depuis Ambès jusqu’à Lormont, Yvrac et Saint-Loubès et dont faisait partie la majorité des terres de Sainte-Eulalie. Une ordonnance datant de 1676  rappelait que l’usage des marais appartenait aux habitants des communes dont « certains fonds épanchent naturellement leurs eaux dans ce marais ». C’est pourquoi notre commune continue de posséder en copropriété le Marais de Montferrand. Depuis 1872, ces palus sont gérés par un syndicat intercommunal comprenant sept communes qui financent leur entretien (levage des digues, pose d’écluses, salaire du garde…). Les archives stipulent qu’en 1868, Sainte-Eulalie avait mandaté M. de Sonneville pour participer à  la commission syndicale des Marais réunie afin de vendre aux enchères publiques des droits de fauchage d’herbes et joncs dans le marais.

      Cette propriété collective qui suppose une gestion concertée du lieu n’a pas été sans créer des conflits d’intérêt entre les partisans du dessèchement qui permettait de dédier les parcelles aux cultures céréalières et les autres usagers qui souhaitaient continuer à y exercer leurs droits de pâture, de bois, d’eau et de passage. Vers 1656-1668, la partie centrale de la zone fut desséchée coupant ainsi le marais en deux et donnant naissance au Petit Marais (105 hectares aujourd’hui) et au Grand Marais (182 hectares) sans compter les parcelles privées.  Les anciens de notre commune se souviennent du ramassage des joncs et roseaux, de la coupe des aubiers pour en faire carassons, manches d’outils, sabots, ou encore de la chasse hivernale au gibier d’eau dans les tonnes.

marais de montferrand

      Depuis le XVIIème siècle, divers projets de dessèchement puis de vente des parties communes ont menacé la survie du marais, suscitant la création en 1946 de l’Association des Amis du Marais de Montferrand qui œuvre depuis pour sa préservation et sa valorisation, notamment par l’organisation de visites commentées du site. Aujourd’hui le marais continue d’accueillir chasseurs, sauvaginiers, troupeaux bovins et équins mais aussi promeneurs qui découvrent dans ce site protégé (Zone Naturelle d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique et Zone d'Intérêt Communautaire pour les Oiseaux), une grande diversité de flore et faune : le saule meursault et l’aulne glutineux abritent les passereaux et même quelques cigognes ; la renoncule aquatique qui pousse dans les « blancs » côtoie l’envahissante jussie à grande fleur et l’iris des marais.

      Malheureusement, cet espace naturel encore préservé est désormais menacé par le projet de contournement de l’agglomération bordelaise. Or, ce patrimoine dont nous sommes les usufruitiers, mérite qu’on en assure la protection pour le transmettre dans le meilleur état possible aux générations futures. C’est là la condition d’un développement durable.

Auteur : Muriel Dagens

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