Du village à la ville, les constructions publiques 

Au tout début du XXème siècle, la volonté d’assurer correctement les services publics dans la commune se traduit par la construction d’une nouvelle mairie englobant un groupe scolaire et deux logements de fonction pour les directeurs. Cet ensemble symbolisait à la fois l’entrée dans la modernité et le triomphe des lois de la République (laïcité, séparation de l’Eglise et de l’Etat). Inauguré en 1905, il est resté en l’état jusqu’au début des années 1960 quand l’augmentation du nombre d’élèves scolarisés obligea à repenser l’organisation des classes et des services municipaux. En 1960, la première école maternelle (Montaigne) est construite près de la mairie. En 1970 une école primaire (Montesquieu) puis une seconde école maternelle sont aménagées à proximité des zones d’habitations denses. En 1978, la construction d’une deuxième école primaire dans le bourg est entreprise. Enfin, un collège intercommunal (François Mauriac) est inauguré en mai 1987 par François Mitterrand, président de la République. La mairie occupe désormais tout le bâtiment de 1905 pour le seul usage administratif et la partie technique est concentrée dans les nouveaux ateliers municipaux livrés en 1993.

Réclamée sans succès pendant de nombreuses années, la création d’une agence postale avec facteur-receveur est accordée à Sainte-Eulalie en 1942. Immédiatement installée sur la place commerçante du village, l’implantation de cette administration y renforce la présence de l’Etat et marque l’accession à un nouveau statut, celui d’un vrai bourg bien équipé en services administratifs.

nouvelle salle des fêtes Mais la multiplication des équipements publics s’est essentiellement faite après 1960 car jusqu’alors deux bâtiments étaient disponibles : la salle des fêtes, vieux baraquement militaire américain acquis dans les années 1920 et la salle de sport (Foyer Lavergne) construite pendant l’Occupation réservée le plus souvent à un autre usage (salle de classe ou centre aéré). En 1963, une nouvelle salle des fêtes (photo ci-contre) est inaugurée à côté de la mairie puis en 1980, la municipalité réhabilite d’anciens bâtiments agricoles transformés en centre culturel (Serge Dutruch) accueillant la bibliothèque, les salles de danse et musique, le foyer des jeunes.  Quant au centre médico-social et culturel, prés du groupe scolaire Montesquieu, il ouvre ses portes en 1997. L’achat et la réhabilitation, au cœur du bourg, de bâtiments mis à la disposition des associations (Chalet des Jeunes, Foyer des Anciens) complète cet ensemble.

En même temps, la pratique du sport est facilitée par la construction de nombreuses structures coûteuses mais répondant aux besoins de la population : stade pour le football et le rugby en 1978, salle omnisports en 1986, deux terrains de tennis et un club-house, piste pour l’aéromodélisme quelques années plus tard.

On le voit donc, les trois dernières décennies du siècle passé, tant sur le plan démographique qu’urbanistique, ont été déterminantes pour la configuration actuelle de notre commune.

Auteur : Francis Heinrich

Du village à la ville, les constructions privées

            Après la Seconde guerre mondiale, un des enjeux de la Reconstruction fut celui du logement. Du sommet de l’Etat aux plus petites communes, des moyens considérables pour l’époque furent mobilisés pour donner aux Français, dont le nombre croissait, un habitat décent, moderne et hygiénique. L’appel de l’abbé Pierre lors de l’hiver 1954 soulignait les carences dans ce domaine alors que le pays connaissait une croissance économique inédite. Notre région et notre commune s’inscrivirent dans ce mouvement de transformation sociale et urbanistique qui vit naître à la fin des années 1950 les premières Zones à Urbaniser en Priorité (ZUP) et de nouveaux lotissements de maisons individuelles.

            Dans ce contexte, la municipalité de Sainte-Eulalie décida la réalisation d’un  lotissement communal et en 1954, elle mandata son maire G.Portmann pour l’acquisition de plusieurs parcelles au lieu-dit Les Places et l’obtention des autorisations nécessaires à sa construction. L’objectif social était de permettre à 20 familles aux revenus modestes d’acheter leur terrain par des versements étalés sur 5 ans et de les aider, par le biais d’une structure associative (l’ASEAP : Association sainte-eulalienne d’accession à la propriété), dans leurs démarches administratives et financières. Ce fut la seule expérience d’une construction voulue et encadrée jusqu’à sa réalisation finale par la municipalité.Les Acacias

            Ce premier chantier n’était pas terminé qu’un autre projet était engagé avec des ambitions plus grandes encore puisqu’il devait héberger jusqu’à 600 ménages. Il s’agissait d’accueillir, sur les modèles des nouvelles ZUP de Cenon ou Lormont, dans des immeubles collectifs, des familles qui demandaient des logements neufs, proches de Bordeaux, financièrement abordables pour ceux qui désiraient accéder à la propriété. Les objections du ministre de la Construction J.Maziol ramenèrent le projet à des dimensions plus raisonnables et la SCI de la Résidence du Château de Sans put construire entre 1961 et 1966, au bord de la RN 10 et de la voie ferrée, les 140 logements de la résidence Les Acacias (photo  ci-contre) et les 90 appartements de la résidence des Bleuets.

Ces nouvelles réalisations révélaient l’expansion de l’agglomération de Bordeaux vers les espaces ruraux de la périphérie proche mais aussi les hésitations des élus. Devait-on favoriser l’urbanisation collective, peu coûteuse en espace, moins onéreuse pour les accédants ou les locataires ou au contraire devait-on privilégier un urbanisme individuel plus proche de l’architecture rurale mais dévoreur d’espaces et plus coûteux pour les acquéreurs ? Sans que l’on puisse en préciser les raisons exactes, c’est la deuxième solution qui l’emporta. Dix-neuf lotissements furent construits dans la période 1960 – 2000 : 5 dans les années 1960, 6 dans les années 1970, 6 encore dans les années 1980 mais seulement 2 dans les années 1990. Le rythme des constructions est passé de 11 logements par an au début des années 1960 à 50 logements annuels entre 1975 et 1980 pour ralentir de manière significative à la fin du siècle dernier : moindre pression urbanistique avec la fin du baby-boom ? Effets négatifs de la période des mutations économiques entamées au milieu des années 1970 ? Volonté plus marquée de protéger ce qui restait d’espaces ruraux à Sainte-Eulalie ?

Ce que l’on peut remarquer c’est qu’aucun plan d’ensemble n’est venu organiser cet aménagement du territoire communal avant le 1er POS élaboré en 1977. Mais celui-ci, maintes fois modifié ou redessiné, est plutôt le reflet des circonstances que d’un projet d’urbanisation cohérent sur le long terme. L’éparpillement des lotissements sur tout le territoire puis le souci de les relier entre eux et au centre ville ont profondément modifié les paysages dans la partie Ouest de la commune qui ressemble plus à une ville qu’un village. Quant à la partie Est, non encore lotie mais partiellement « mitée », sera-t-elle protégée de la nouvelle pression immobilière qui pèse sur notre commune depuis le début de ce nouveau millénaire ou n’est-elle plus qu’une « réserve » immobilière ?

Auteur : Francis Heinrich

La cantilène de Sainte-Eulalie

Nos ancêtres ont choisi de placer notre commune (paroisse disait-on alors) sous la protection de sainte Eulalie, martyre chrétienne morte à Merida (Espagne) vers l’an 304. Parmi les rares textes anciens qui relatent sa vie, l’un d’entre eux mérite une attention particulière : la cantilène de sainte Eulalie dont le texte original, redécouvert en 1837, conservé aujourd’hui à la Bibliothèque de Valenciennes, a été composé à l'abbaye de Saint-Amand-les-Eaux vers 880. Cette cantilène ou « séquence », le plus ancien poème en langue française d’oïl, raconte en vingt-neuf vers l'histoire d'une jeune fille, Eulalie, qui résiste aux menaces et à la persuasion, « or… argent…bijoux », employées pour lui faire renier Dieu et servir le diable :

   Buona pulcella fut Eulalia                                                     Eulalie était une bonne jeune fille.

   Bel avret corps, bellezour anima                                         Elle avait le corps beau et l'âme plus belle encore

   Voldrent la veintre li Deo inimi                                           Les ennemis de Dieu voulurent la vaincre

   Voldrent la faire diaule servir                                              Ils voulurent lui faire servir le diable

   Elle no'nt eskoltet les mals conselliers                             Elle n'écoute pas les mauvais conseillers

   Qu'elle De o raneiet, chi maent sus en ciel                       Qui lui demandent de renier Dieu qui demeure au ciel là-haut

   Ne por or ned argent ne paramenz                                      Ni pour de l'or, ni pour de l'argent, ni pour des bijoux

   Por manatce regiel ne preiement.                                       Ni par la menace ni par les prières du roi.

Même l’empereur Maximien, « roi des païens », devant lequel elle est présentée ne parvient pas à fléchir sa volonté.

   Niule cose non la pouret omque pleier                                Rien ne put jamais la faire plier ni amenercantilène

   La polle sempre non amast lo Deo menestier                    La jeune fille à ne pas aimer toujours le service de Dieu.

   E por o fut presente de Maximiien,                                      Et pour cette raison elle fut présentée à Maximien

Chi rex eret a cels dis soure pagiens                                     Qui était en ces temps-là le roi des païens .

   Il li enortet, dont lei nonque chielt                                       Il lui ordonna, mais peu lui chaut,

  Qued elle fuiet lo nom chrest iien                                        De renoncer au titre de chrétienne.

   Ell'ent adunet lo suon element                                             Elle rassemble sa force.

   Melz sostendreiet les empedementz                                   Elle préfère subir la torture plutôt

  Qu'elle perdesse sa virginitét                                               Que de perdre sa virginité.

   Por os furet morte a grand honestét                                   C'est pourquoi elle mourut avec un grand honneur.

 Cette détermination, une offense pour l’empereur romain, conduit Eulalie au-devant du martyre qu’elle subit avec un courage exemplaire. Mais soutenue par la volonté de Dieu au cours de cette ordalie, « elle ne brûlât point » :

   Enz enl fou lo getterent com arde tost                                Ils la jetèrent dans le feu pour qu'elle brûlât vite.

   Elle colpes non avret, por o nos coist                                   Elle n'avait pas commis de faute, aussi elle ne brûla point.

   A czo nos voldret concreidre li rex pagiens                       Le roi païen ne voulut pas accepter cela.

   Ad une spede li roveret tolir lo chieef                                 Avec une épée, il ordonna de lui couper la tête.

   La domnizelle celle kose non contredist                            La jeune fille ne protesta pas contre cela.

   Volt lo seule lazsier si ruovet Krist                                    Elle veut quitter le monde ; elle prie le Christ.

 Et au moment où Eulalie expire, on voit une colombe blanche, son âme, sortir de sa bouche et s’élever vers le ciel. C’est par cette image, suivie d’une prière, que se termine la cantilène.

   In figure de colomb volat a ciel                                             Sous la forme d'une colombe, elle s'envole au ciel.

  Tuit oram que por nos degnet preier                                    Prions tous qu'elle daigne intercéder pour nous,

   Qued auuisset de nos Christus mercit                               Afin que le Christ ait pitié de nous

   Post la mort et a lui nos laist venir                                     Après la mort et nous laisse venir à lui

   Par souue clementia.                                                              Par sa clémence.

 Ce court poème nous révèle de quelle manière on construisait, dans les milieux ecclésiastiques du Moyen-Age, des modèles de vie afin d’éduquer la population (la chasteté, la pauvreté, la foi, l’obéissance à Dieu plutôt qu’au roi), en même temps qu’on offrait un idéal eschatologique : la mort d’Eulalie (et donc de tout fidèle) n’est pas sa fin. De plus, ce texte, plus hagiographique qu’historique, est une des premières traces conservées du passage de la langue romane à la langue française. Son importance est à rapprocher du Serment de Strasbourg de 842, texte politique rédigé lui aussi en ancien français consacrant le partage de l’empire de Charlemagne entre ses trois petits-fils. Ces deux documents sont indicateurs d’une récente préférence accordée à la langue vulgaire et ils signent la naissance du français écrit plus proche de la langue parlée que le latin.

Auteur : Francis Heinrich  Pour voir et lire le manuscrit original : http://www-01.valenciennes.fr (puis Culture / Bibliothèque / Cantilène)

La poste de Sainte-Eulalie

bourg début du siècleLe bâtiment de la poste de Sainte-Eulalie a une longue histoire qui s’écrit depuis 1851. Autrefois école pour filles, puis logement pour instituteurs et enfin en 1967, bureau de poste, cette maison qui a tant connu de travaux et de rénovations fait toujours partie intégrante de la vie du village. Retour sur plus de 150 années d’histoire.

             D'abord prêtée à Sainte-Eulalie, cette maison devint propriété communale par un legs de Mme veuve Dintrans, enregistré le 1er juillet 1861 auprès de Maître Péry, notaire à Bordeaux. Legs réalisé sous couvert que « la commune continue à en faire l'école des filles ».

            En effet, depuis 1851 le bâtiment abritait une école féminine tenue par les religieuses de l'Ordre de saint­Joseph. Elle fut bénie en 1873 par le Grand Vicaire Bellot des Minières, qui dans un discours public vanta alors l'évolution des méthodes pédagogiques (les religieuses s'appuyaient sur des images pour expliquer l’histoire de France, l'histoire Sainte et les sciences naturelles) et les vertus de l'éducation féminine. Ces religieuses continuèrent à assurer leur enseignement jusqu’à la fin du XIXème siècle malgré le décret de laïcisation de 1881. En 1885, le bâtiment fut complètement renové et agrandi (ajout d'un chai et d'une cuisine en prolongement du préau).

            Après la construction de la mairie actuelle et du groupe scolaire en 1904, le bâtiment a servi de logement de fonction pour les instituteurs, puis à nouveau de salle de classe dans les années 1960, lors de l'explosion des effectifs scolaires. Pendant l'été 1967, d'importants travaux de réfection furent mis en œuvre pour transformer cette ancienne école en bureau de Poste afin de permettre au receveur, monsieur Meynié, d'assurer convenablement ses fonctions. Depuis la création en 1942 d'une recette postale avec facteur receveur, les services de la Poste étaient installés dans la maison attenante à la boulangerie du bourg, désormais trop petite.

            Par la suite, le bâtiment ne subit que des modifications mineures et travaux d'entretien jusqu'à l'été 1999, où il fut de nouveau entièrement remanié pour s'ouvrir comme au début du siècle sur la Place de la Victoire et donner place à la nouvelle Poste.

Auteur : Muriel Dagens

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