L’abbaye de Bonlieu
Propriété privée, située dans la
partie sud-ouest de la commune de Sainte-Eulalie, l'abbaye de Bonlieu a été
fondée en 1141 par le moine Sicaire, « frère » du baron Gaston de Montferrand.
Selon la charte de fondation, Sicaire s'engage à défricher les terres qui lui
sont allouées et à construire un couvent, une chapelle et un hôpital. Par ce
don, l'objectif de Gaston de Montferrand est donc de valoriser des terres
jusqu'alors incultes, de les sécuriser car elles étaient peuplées de « brigands, quêteurs de chemin, larrons,
meurtriers et autres manières de gens useux de mauvaises vies» et d'y
attirer une population travailleuse. Le hameau de Carbon-Blanc doit ainsi sa
création à l'abbaye de Bonlieu et au dispensaire pour lépreux que ses moines
implantèrent sur la voie reliant Bordeaux au nord du pays, et sur laquelle
cheminaient pèlerins et marchands en quête d'hospitalité.
L'abbaye de Bonlieu appartenait
à l'ordre de Cîteaux fondé en 1098 par l'abbé Robert de Molesne et ses religieux
avaient donc fait vœu de pauvreté. De fait, les occupations des moines se
partageaient entre la prière, l'étude et le travail manuel. Protégée des barons
de Montferrand et d’Aliénor d’Aquitaine qui y fit plusieurs séjours, Bonlieu
devint prospère et bénéficia de nombreux privilèges, notamment pour la vente de
ses vins et de sa liqueur. En effet, les moines de Bonlieu qui n'excédèrent
jamais une vingtaine ont développé les cultures de céréales et de vignes, et
ils construisirent aussi un moulin à eau sur une dérivation du Gua.
Lors des guerres entre la France et l’Angleterre,
l'abbaye fut pillée et les bâtiments d'origine totalement détruits par un
incendie. Reconstruite, elle devint définitivement propriété privée lors de la
vente des biens nationaux sous la Révolution. Ainsi au fil du temps, l'abbaye de
Bonlieu a-t-elle subi des modifications et il ne reste désormais que quelques
traces des anciens bâtiments monastiques : une cour intérieure à l'emplacement
de l'ancien cloître, deux piliers de l'ancienne chapelle détruite, quelques
fenêtres d'origine du dortoir des moines ...
Site religieux et foyer
historique de peuplement, l'abbaye de Bonlieu reste aujourd'hui une demeure de
qualité entourée d'un grand parc boisé et agrémentée d'un petit vignoble.
Auteur : M.Dagens
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Nommés ou élus, les
maires de Sainte-Eulalie (1790 - 1870)
Le 23 juin
1821, le préfet dela Gironde,
le comte Camille de Tournon, nomme au poste de maire de la commune de
Sainte-Eulalie d’Ambarès Bernard Hibert, propriétaire, lequel devra prêter
serment au roi Louis XVIII. Au temps dela Restauration monarchique,
le choix du maire n’était donc pas le résultat du vote des citoyens mais de la
volonté du pouvoir exécutif. Etait-ce une règle ou une exception au cours du
XIXème siècle ?
C’est en 1789
que sont créées les communes et les élections de février 1790 permettent aux
Eulaliens de placer à leur tête le premier maire élu pour deux ans au suffrage
censitaire (c'est-à-dire réservé à certains contribuables, Jean Delisse puis Pierre Dupin et Pierre Court). En 1792, avec
l’avènement de la 1ère République, les maires sont élus au suffrage
universel (François Lafourcade, Coussicot)
mais la constitution de l’An III (1795) supprime les maires des communes de moins
de 5 000 habitants et la population de Sainte-Eulalie est représentée par
un agent municipal et un adjoint à l’Assemblée cantonale d’Ambarès. Avec la loi
du 28 pluviôse an VIII (1799) sont rétablies les fonctions de maire, lequel est
choisi parmi les notables de la commune et nommé pour cinq ans par le préfet (François Lafourcade, Jacques Busquet, Louis Boucaud).
Malgréla Restauration,
ce fonctionnement est maintenu jusqu’en 1831 (ordonnance du 13 janvier
1816) et cinq maires se succèdent : Paluel,
Bernard Hibert, Louis de Boucaud, Sclafert, Dintrans.
La nomination
de Bernard Hibert marque une étape dans son parcours politique sur notre
commune. Adjoint au maire depuis 1815, maire en 1821, il ne reste que deux ans à
ce poste avant de laisser sa place à Louis de Boucaud en 1823 pour reprendre
celle, moins en vue probablement, d’adjoint, fonction qu’il occupe encore en
1837. Une carrière assez originale donc puisqu’elle commence sous le 1er
Empire et se termine avecla
Monarchie de Juillet.
A partir de
1831, les maires sont choisis parmi les conseillers municipaux élus pour six
ans : Andron, Joseph Bergès, Dintrans,
Jules de Lamothe. La
Révolution de février 1848 et l’installation de la IIème République marquent
le retour au suffrage universel masculin. Par le décret du 3 juillet 1848, les
maires sont désormais élus par les conseillers municipaux, eux-mêmes élus au
suffrage universel (Jules de Lamothe).
Avec le Second Empire (1852), c’est un retour en arrière. L'élection des
conseillers municipaux au suffrage universel est maintenue mais le maire est à
nouveau nommé par le préfet et peut être choisi en dehors du conseil municipal
(Jules de Lamothe, Vital Douat, Paluel,
Armand Lille). Confirmé par la loi de mai 1855, ce système est maintenu
jusqu’à la chute de Napoléon III en septembre 1870.
Auteur : F.Heinrich
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Les
maires de Sainte-Eulalie (1870 - 2005) A la chute de l'Empire, la loi
du 14 avril 1871 rétablit l'élection du maire pour les communes de moins de
20.000 habitants et la loi du 10 août 1871 donne l'autorité de tutelle au
préfet. Armand Lille conserve son fauteuil
de maire malgré la présence d’une liste d’opposition et reste en place jusqu’en
1891, date de son décès.
Le triomphe du régime
républicain conduit à l'adoption définitive, le 5 avril 1884, du système de
l'élection du maire par les conseillers municipaux (élus au suffrage universel
masculin pour quatre ans) dans toutes les communes, sauf à Paris. Camille de Lamothe (1892), Georges de
Sonneville (1904), Alfred Pousson (1907)
se succèdent mais aprèsla Première
guerre mondiale, la durée du mandat passe à six ans (loi du 10 avril 1929). Le
maire étiqueté « réactionnaire » en 1900 est remplacé par un
« progressiste » en 1904 puis un « républicain de gauche » en
1907. Agé, Alfred Pousson démissionne en 1938 et l’élection partielle de
juillet donne la victoire à Georges
Portmann, sénateur dela
Gironde depuis 1932, « républicain de gauche »,
contre Edouard Dutruch, socialiste SFIO. Le mois suivant Georges Portmann est
élu maire. Il conserve son poste jusqu’en 1944, maintenu en place par le régime
de Vichy qui, par l’acte du 16 novembre 1940, abolit la législation municipale
antérieure.
A la Libération, un nouveau
maire est provisoirement mis en place (François
Boulière) et le retour aux pratiques républicaines est confirmé par les
élections municipales de 1945 au suffrage universel, les femmes votant pour la
première fois. Savinien Vivier est
élu maire et son mandat est renouvelé en 1947 avant qu’il ne démissionne en
1949 pour permettre, lors du renouvellement du conseil municipal, l’élection de
Georges Portmannqui s’empare ainsi
de la magistrature municipale pour la conserver jusqu’en 1977. L’événement
marquant de cette année là est la victoire aux élections municipales d’une
liste d’union de la gauche qui emporte, pour la première fois de notre
histoire, la direction municipale. Sous diverses formes ou appellations, c’est
toujours une équipe de « gauche » qui est à la tête de la
municipalité plaçant aux fonctions de maire Serge
Dutruch (PS, en 1977 et 1983), Marcel
Riva (PS, 1989), Jean Charpentier
(PS, 1995), Christian Laur (PCF,
2001).
Légende : l’équipe municipale assiste à la pose de la première pierre de la salle des
fêtes en 1962. Le maire, Georges Portmann, tient la truelle.
Auteur : F.Heinrich
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Une difficile
séparation…
En novembre
1879, le maire de Sainte-Eulalie, Armand Lille, déclare devant la population et
les notables invités lors de la bénédiction de l’école des filles : « L’Eglise et l’école sont sœurs quand
il s’agit de l’éducation et de la moralisation du peuple et elles doivent
rester unies pour atteindre ce double but ». Le principe posé d’union
entre l’Eglise et l’enseignement semble intangible, or en quelques décennies,
il sera révolutionné. Après les lois de Jules Ferry instaurant l’école primaire
gratuite, obligatoire et laïque (1881 - 1882) et faisant de l’éducation une
responsabilité nationale, la IIIème République décide par la loi du 9 décembre
1905 afin « d’assurer la liberté de conscience » (art.1) de séparer « les Eglises et l’Etat » et
de réorganiser les relations entre ces différentes institutions. C’est ainsi
que l’Article 3 stipule « qu’il sera procédé par les agents de
l’administration des Domaines à l’inventaire descriptif et estimatif des biens
mobiliers et immobiliers desdits établissements (religieux) et des biens de l’Etat, des départements et
des communes dont les établissements ont la jouissance ».
Ce
droit d’inventaire, décidé par le législateur, ne va pas aller sans rencontrer
de fortes oppositions de la part des clercs et des laïcs attachés aux
traditions et aux droits particuliers de l’Eglise catholique en France.
Parfois, la force armée sera nécessaire pour obtenir l’accès aux établissements
religieux mais, à Sainte-Eulalie, le curé Sauvignon use d’une autre stratégie
pour montrer son mécontentement. Par lettre en date du 22 février 1906, il informe
le receveur des Domaines de son opposition à la loi en ménageant la forme et en
ne cédant rien sur le fond : "Le
chef suprême de l’Eglise, Notre Saint Père Pie X vient d’élever la voix... Quel
est, par suite, le devoir des catholiques ? Ils ne peuvent tout au moins,
croyons nous, aider d’aucune manière à l’application de cette loi. Or ce serait
s’y prêter, Monsieur, que de faciliter votre inventaire… En votre qualité
d’agent du gouvernement, pour l’acte que vous vous proposez d’accomplir, nous
ne vous connaissons pas, nous ne saurions vous connaître. A votre personne
privée toutefois, Monsieur le Receveur des domaines, nous exprimons nos
sentiments de déférence, ainsi que tous nos regrets de nous être trouvés dans
l’obligation de lui tenir ce langage... »
Voilà des propos
fermes, qui habilement séparent la personne publique de la personne privée. Mais
l’inventaire a quand même été fait et le seul regret que nous puissions avoir est
de ne pas en posséder un exemplaire qui nous permettrait de connaître
l’ensemble des biens de la communauté religieuse eulalienne au début du XXème
siècle.
Auteur : F.Heinrich
Lettre rédigée par le curé Savignon et remise le 22
février 1906 aux agents responsables de l’inventaire des biens de
l’église de Sainte-Eulalie.
« Monsieur le Receveur des Domaines,
En union avec les membres du Conseil de Fabrique de
Sainte-Eulalie d’Ambarès, je proteste de toute l’énergie de mon âme de prêtre
et de pasteur contre la besogne que le gouvernement vous impose. A nos yeux,
n’en déplaise aux défenseurs de l’Etat, l’inventaire s’annonce comme le prélude
de mesures plus iniques encore…
Pour ce qui est de notre attitude en la
circonstance, nous voulons la baser sur les premières indications de la parole
papale. Le chef suprême de l’Eglise, Notre Saint Père Pie X vient d’élever la
voix. Par une encyclique, parue dimanche dernier, il réprouve et condamne la
loi de séparation. Quel est, par suite, le devoir des catholiques ? Ils ne
peuvent tout au moins, croyons nous, aider d’aucune manière à l’application de
cette loi. Or ce serait s’y prêter, Monsieur, que de faciliter votre
inventaire… En votre qualité d’agent du gouvernement, pour l’acte que vous vous
proposez d’accomplir, nous ne vous connaissons pas, nous ne saurions vous
connaître.
A votre personne privée toutefois, Monsieur le
Receveur des domaines, nous exprimons nos sentiments de déférence, ainsi que
tous nos regrets de nous être trouvés dans l’obligation de lui tenir ce
langage.
Je vous laisse, Monsieur, copie de cette protestation. Vous
voudrez bien la transcrire intégralement sur votre procès verbal. J’en fais la
demande expresse. »
Source : Association Sainte-Eulalie
Patrimoine
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