De la caisse des écoles au Trésor
des pirates
« Caisse des écoles »,
« Trésor des pirates », « Le sou de l’école »… les noms
pour qualifier cette institution séculaire issue de l’idéal républicain ne
manquent pas. L’important est qu’elle poursuive ses activités au service des
enfants scolarisés… et c’est la cas à Sainte-Eulalie.
A l'instigation
de Jules Ferry qui souhaite promouvoir l'éducation pour tous, la loi du 28 mars
1882 oblige les communes à se doter d'une Caisse des écoles dont le but est de « stimuler les familles pour l'instruction
de leurs enfants et de faciliter la fréquentation régulière de l'école ». Cette
institution est mise en place à Sainte-Eulalie par une délibération municipale
du 25 mai 1902 et ses objectifs sont principalement d'aider les élèves
méritants en leur attribuant des récompenses ainsi que de secourir les élèves
indigents par des distributions de fournitures scolaires, vêtements et
nourriture si besoin. Elle est alors administrée par un comité composé de
membres de la commission scolaire locale et de quatre personnes issues des
différents quartiers de la commune.
Si les objectifs de la Caisse des écoles
n'évoluent pas ou peu au fil du temps, ses statuts sont régulièrement remaniés.
La loi du 12 juillet 1942 vise à la revitaliser et ses nouveaux statuts
obligent les familles d'élèves non indigents à participer de façon obligatoire
à son financement, ce qui ne va pas sans récriminations de la part des parents
dont beaucoup refusent de verser les 20 francs annuels réclamés. En 1943, elle
devient Etablissement public autonome, ce qui lui donne plus de liberté de
fonctionnement. En 1954, le comité qui l'administre comporte des membres
fondateurs et souscripteurs mais aussi l'inspecteur primaire, le délégué
cantonal, le maire et plusieurs conseillers municipaux, ce qui rend plus
prégnante l'emprise de la municipalité sur sa gestion.
A
partir des années 1960, moment où le nombre d'élèves scolarisés augmente
fortement, les activités de la
Caisse des écoles se diversifient : elle s'oriente davantage
vers l'animation de la vie communale en participant à la kermesse de fin
d'année (avec remise de récompenses), en organisant plusieurs manifestations
dont certaines ont perduré telles la soirée crêpes ou l'organisation d'un
spectacle pour Noël. Elle finance aussi plus largement diverses sorties
éducatives (voyage scolaire, classes de neige ou vertes) et l'achat de matériel
scolaire ludique qui profite désormais a tous les enfants (subvention annuelle
versée par classe). Si les enseignants et les représentants du conseil
municipal sont toujours les bienvenus, ce sont essentiellement les parents
d'élèves qui sont les principaux organisateurs des activités de la Caisse des écoles, ce qui
apparente de fait son fonctionnement à celui d'une association.
Cette
situation est ratifiée le 10 avril 1992 lorsqu'elle abandonne officiellement
son statut de régie municipale (donc sous tutelle du percepteur, représentant
du Trésor Public) pour celui plus conforme à sa réalité d'association loi
1901. Cette modification statutaire l'oblige aussi à abandonner la dénomination
Caisse des Ecoles qu'elle portait depuis 97 ans pour devenir le « Trésor
des pirates » en février 1999.
Auteur : Muriel Dagens
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Ces bâtiments qui évoluent dans le
temps : la mairie-école
Le XXème siècle
français est marqué au niveau national par l’extension des activités de l’Etat
et la montée des prélèvements obligatoires qui lui permettent de financer ses
diverses fonctions. Ces changements majeurs se traduisent aussi dans les
communes qui mettent en œuvre des projets d’envergure afin de mieux satisfaire
les besoins de leurs habitants et réussissent plus facilement qu’auparavant à trouver les fonds nécessaires pour les
concrétiser.
C’est
ainsi que le 10 août 1902, le conseil municipal de Sainte-Eulalie sous la
présidence de son maire Camille de Lamothe décide la création d’une nouvelle
mairie et d’un groupe scolaire attenant pour les filles et les garçons (photo ci-contre).
En effet,
la mairie de l'époque se révèle bien trop petite et le bâtiment ne comporte qu’une
unique salle de classe pour l’école des garçons. Cette première mairie, située
au 8 avenue Alfred Pousson, porte encore l’inscription "mairie" au niveau de sa toiture ;
elle fut vendue par la commune à la famille de son actuel propriétaire en 1907.
L’enseignement des filles, instauré dans la commune en 1861, était alors
encore assuré par les religieuses de l’ordre de saint Joseph installées dans un
bâtiment sur la place du télégraphe (l’actuel bureau de Poste de la commune).
En décembre 1881, malgré la publication du décret de laïcisation de
l’enseignement, le conseil municipal avait refusé d’appliquer cette décision
insistant sur le fait que l’enseignement des religieuses donnait toute
satisfaction et faisant part de ses craintes pour l’ordre public si la
municipalité leur retirait cet enseignement.
Exiguïté
des locaux et obligation d’appliquer les lois dela République (séparation
des Eglises et de l’Etat) amènent donc à ce projet de construction d’une mairie
avec groupe scolaire. Situé sur la place de la mairie, le bâtiment est édifié
sur un terrain de 20 ares appartenant aux enfants mineurs Hibert (ascendants de
l’actuelle famille Guyonnet). En février
1903, le devis soumis par André Bac, architecte bordelais, est retenu.
Le coût total du projet pour l’acquisition du terrain et l’édification des
bâtiments s’élève à environ 49 500 francs. Le financement est assuré à 80 % par
la commune qui décidé de lever un impôt extraordinaire sur 30 ans.
Cette
nouvelle mairie comporte une partie centrale à étage (salle des délibérations
municipales et des mariages) et deux ailes comprenant chacune un petit bureau
pour le secrétariat de la mairie ainsi qu’un logement pour les instituteurs,
une grande salle de classe et un préau (voir plan ci-dessous).
Au centre de cette forme en U se trouvent deux jardinets pour les
enseignants et deux cours séparées par un mur, l’une pour les filles, l’autre
pour les garçons, la non mixité étant encore la règle. Cette configuration est restée en l’état
jusqu’à la fin des années 1950 pour ce qui concerne la partie école qui subira
ensuite plusieurs remaniements successifs liés à la croissance des effectifs scolarisés, la
partie mairie étant elle réorganisée plus tardivement lorsque l’urbanisation de
la commune amène à embaucher un personnel de secrétariat beaucoup plus
nombreux.
Auteur : Muriel Dagens
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Les écoles de la commune
La
décision de mettre en place un enseignement pour les enfants de la commune sur
le territoire eulalien n'a pas été sans poser de problèmes aux municipalités
successives depuis 1846, date de la création de la première école primaire des
garçons à Sainte-Eulalie. En effet, cette volonté de scolariser les Eulaliens
impliquait de trouver des locaux, ce qui ne cessa de susciter des difficultés
surtout après la Seconde
guerre mondiale lorsque la croissance de la population amena une augmentation
des effectifs scolarisables régulièrement supérieure aux prévisions.
Pendant la seconde moitié du XIXème
siècle, Sainte-Eulalie comporte deux classes non mixtes dans deux écoles
différentes. L'une assurant un enseignement laïc pour les garçons (classe
installée dans la mairie), et l'autre un enseignement religieux pour les filles
dispensé par les Sœurs de l’ordre Saint-Joseph (classe installée dans l'actuelle
Poste), ce qui permit aux écoliers de Sainte-Eulalie de recevoir une éducation
minimale.
A partir de 1905, l'enseignement laïc s’impose
pour tous et les deux écoles sont réunies par la création du premier groupe
scolaire symboliquement intégré dans la construction de la nouvelle mairie (voir article précédent).
Pupitres en bois avec encriers en faïence blanche, estrade pour l'instituteur,
tableau noir et baguette pour appuyer les explications du maître et les
sanctions qu'il distribue, poêle à charbon, voilà la salle de classe installée.
Comme bien souvent en zone rurale, les enseignants regroupent plusieurs niveaux
scolaires dans une même classe, ce qui donne alors cinq classes à notre commune.
A partir de la fin des années 1950, la construction de logements sur le
territoire communal amène l'inscription de très nombreux nouveaux élèves et la
question de la construction de nouveaux bâtiments scolaires apparaît.
En 1958, le Conseil municipal décide
la construction d'une école maternelle qui comporte deux grandes salles de
classe, une salle de repos, des sanitaires et une grande salle de jeux, la
rotonde. A côté sont implantées en 1964 trois classes préfabriquées, puis en
1965 un préau. Mais ces solutions restent insuffisantes et les classes
s'éparpillent aux quatre coins du bourg : deux classes au foyer Lavergne, une
dans le bâtiment de la Poste,
trois classes à l'école maternelle où la salle de repos accueillait le cours
préparatoire, une classe à l'école des garçons, une à l'école des filles, une à
la cantine, trois classes préfabriquées à côté de la salle des fêtes.
Désormais
une douzaine de salles de classe étaient requises pour assurer des conditions
d’enseignement convenables. Finalement, la décision est prise de construire un
nouveau groupe scolaire, l'école primaire Montesquieu mise à la disposition des écoliers en octobre 1970. En 1978 est
implantée dans le bourg l'école primaire Montaigne avec cinq nouvelles classes
inaugurées en 1980. Mais les enfants grandissent et la construction d'un
collège devient indispensable. Accueillant les élèves depuis septembre 1985, le
collège François Mauriac (photo ci-contre) est officiellement inauguré le 3 mai 1987 en présence
de nombreuses personnalités dont François Mitterrand alors président de la République. Voici
brièvement rapporté le témoignage de l'effort d'investissement réalisé depuis
un siècle et demi par Sainte-Eulalie afin d'assurer des conditions
d'enseignement convenables à ses jeunes habitants.
Auteur : Muriel Dagens
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Un siècle de démographie à Ste
Eulalie
Après
la Seconde guerre mondiale, la commune de Sainte-Eulalie abritait 196 logements
pour une population de 900 habitants environ alors que le dernier recensement
effectué par l’INSEE en 1999 en dénombre
1459 pour 4189 habitants. Plus de 87 % des logements ont donc été construits
après la Seconde guerre mondiale et la croissance démographique qui accompagne
l’urbanisation est tout aussi récente. Essayons d’en évaluer les différentes
étapes.
Pendant
plus de la moitié du XXème siècle la croissance de la population a été faible.
En 1954 le nombre d’habitants (943) est, à une dizaine d’unités prés, le même
qu’en 1931. Notre commune, bien que proche de Bordeaux, est encore trop isolée
pour être attractive et le « baby boom » n’y a pas fait encore sentir
ses effets. Cependant, de 1962 à 1982, un changement spectaculaire se produit
dans la croissance démographique. S’il a fallu attendre environ 60 ans, entre
1901 et 1965, pour voir la population doubler, ce doublement est de nouveau
obtenu mais seulement en 15 ans entre 1965 et 1980. Sainte-Eulalie est touchée
par la croissance démographique nationale et l’urbanisation accélérée modifie
les paysages qui jusqu’au début des années 1960 avaient gardé un caractère
profondément rural. Enfin, de 1982 à 1999, on constate le ralentissement de la
croissance démographique. Un pallier semble être atteint et les années dites de
« crise » peuvent aussi expliquer ce ralentissement.
Ces
grandes tendances révèlent la vitalité démographique d’une commune devenue
attractive et de plus en plus intégrée à l’espace urbain bordelais. Elles
laissent supposer aussi une augmentation considérable de l’urbanisation en un
temps très court. Alors que plus de 87 % des logements sont construits après la
Seconde guerre mondiale, presque la moitié d’entre eux (48,8 %) ont été
construits entre 1975 et 1999, les maisons individuelles (1253) l’emportant sur
l’habitat collectif (196 appartements) et l’occupation du logement par le
propriétaire (1112) sur la location payante (306).
Toutefois,
si les Eulaliens sont six fois plus nombreux à la fin du XXème siècle qu’au
début, par le jeu naturel de la démographie et par les migrations permanentes,
le renouvellement de la population est presque complet. Il reste bien quelques
vieilles familles ancrées sur le territoire communal, beaucoup exerçant encore
une activité agricole principale ou secondaire, mais la grande majorité de la
population est venue d’autres parties du territoire national ou de l’étranger
(239 en 1999 dont 133 hommes et 106 femmes). En outre, les comportements
démographiques ont évolué depuis les années 1960. Si le solde naturel reste
presque inchangé, cela est essentiellement dû à la baisse de la mortalité car
la natalité, forte en début de période, rejoint le niveau national à la
fin. Ce qui est remarquable, c’est la
baisse du solde migratoire qui devient négatif dans la dernière période inter
censitaire. A cela, plusieurs explications peuvent être avancées. On a moins
construit sur la commune parce que la municipalité a tenté de freiner
l’expansion urbaine mais aussi les difficultés économiques ont contraint nombre
d’habitants à déménager pour trouver un emploi loin de notre commune.
Cependant,
l’amorce d’une reprise économique, la mise en vente de nouvelles parcelles à
lotir, des liaisons mieux assurées entre les deux rives de la Garonne semblent
se conjuguer pour redonner de l’attractivité à ce territoire où le prix du
terrain à bâtir a connu une forte croisance après 1999. Grâce aux travaux publiés
par l’Association Sainte-Eulalie patrimoine nous vous tracerons, une prochaine
fois, les grandes étapes de la révolution urbanistique qui a touché notre
commune au siècle dernier.
Auteur : Francis Heinrich
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